En Octobre 2023, s’est tenue la table ronde “L’IA est-elle l’avenir de l’influence?”. À cette occasion, nous avons donné rendez-vous à trois experts ainsi qu’une influenceuse virtuelle pour parler de l’Intelligence Artificielle et de l’influence, le tout animé par Thomas Moysan, journaliste chez CB News. Raphaël Demnard, Directeur Général de Webedia Creators, Severine Nubel, Global Brand ID & AD Director chez Orange, Ben Gib, créateur de contenu et Anne Kerdi, influenceuse virtuelle bretonne déconstruisent les idées reçues au sujet de l’IA dans le secteur de l’influence.
L’Intelligence Artificielle, et ce tous secteurs confondus, inspire l’inquiétude et l’incompréhension. Qui ne s’est pas déjà senti dépassé par la puissance de cet outil ? Aux allures futuristes tout droit sorti d’un film de science fiction, l’IA s’ancre désormais bel et bien dans notre quotidien. Pour dépasser les idées préconçues qui entourent l’IA, nos experts nous partagent leurs avis et expériences.
L’IA en quelques mots
Pour Ben Gib, le créateur de contenu qui comptabilise plus de 130K abonnés sur YouTube, c’est avant tout un outil qui permet de booster la créativité et de gagner du temps.
Selon Séverine Nubel, Global Brand ID & AD Director chez Orange, l’IA est une avancée technologique qu’il faut prendre de manière positive.
D’après Raphaël Demnard, Directeur Général de Webedia Creators, c’est une révolution d’avenir dont l’enjeu principal est de bien comprendre sa manière de fonctionner et ce qu’il peut nous apporter.
L’état des lieux de l’influence virtuelle
On estime qu’il existe environ 150 influenceurs virtuels et que le marché des humains virtuels pèsera 440 milliards de dollars en 2031. Un influenceur virtuel est une personne fictive ou un avatar numérique qui peut également être un personnage complètement fantaisiste. À l’aide d’images numériques créées grâce à des outils d’intelligence artificielle, ces influenceurs virtuels ont une apparence propre et tout à fait réaliste.
Capables d’imiter un quotidien et des interactions sociales, ces influenceurs virtuels auraient un taux d’engagement jusqu’à trois fois plus élevé que des influenceurs humains. Une tendance qui s’est d’ailleurs confirmée en 2021 pour la deuxième année consécutive.
Les influenceurs virtuels, un phénomène récent
C’est pour cela que l’on note un réel intérêt des marques pour les influenceurs virtuels. C’est le cas notamment des marques de luxe comme la marque Prada qui s’offre une influenceuse virtuelle pour promouvoir son eau de parfum Candy avec pour slogan “rethink reality” (repenser la réalité N.D.L.R).
Les influenceurs virtuels, bien que créés de toute pièce à l’aide des outils d’intelligence artificielle, sont pilotés par des humains. Il est de plus en plus fréquent d’en voir dans des campagnes de marketing d’influence.
Anne Kerdi, influenceuse virtuelle bretonne, dit elle-même qu’avoir recours à de l’influence virtuelle n’est pas encore totalement entré dans les usages et qu’elle est la seule à promouvoir la région bretonne.
Les influenceurs virtuels n’étonnent plus Raphaël Demnard. C’est un phénomène nouveau qu’il faut apprendre à découvrir, qu’il faut apprendre tout court. Webedia Creators s’est aussi essayé aux influenceurs virtuels et gère un personnage virtuel : Arvi, le renard bleu, qui comptabilise près de 2 millions d’abonnés sur YouTube. C’est un personnage frais, décalé et humoristique. Il suscite l’intérêt des marques comme Hugo Boss car les taux d’engagement sont colossaux.
L’IA est un réel sujet reconnaît Séverine Nubel mais selon elle, il n’y aura pas d’influenceur virtuel au sein du groupe Orange. Cela s’explique par la philosophie d’Orange qui est l’humain avant la technologie et leur raison d’être qui est le digital responsable. Il est donc primordial de rester transparent et responsable. La technologie est là, avant tout, pour améliorer notre efficacité.
C’est la personne derrière l’influenceur virtuel qui est le véritable influenceur, d’après Ben Gib. À l’instar de certains créateurs de contenu YouTube d’il y a quelques années qui créaient du contenu à visages couverts. La finalité est la même car il y a un humain derrière le contenu.
L’IA peut-elle imiter les sentiments ?
Elle peut imiter, en effet, car l’IA agit exactement comme on le lui apprend selon Ben Gib. Il précise bien cependant que l’IA n’a pas de conscience, contrairement à ce que pouvait penser un ingénieur Google qui a fait polémique. Ce dernier déclarait que son IA avait développé une conscience. L’IA se contente d’imiter l’intelligence. Elle se nourrit des enseignements qu’on lui donne et répond seulement de la façon qu’on le lui a appris.
Ces influenceurs virtuels sont tellement parfaits et réalistes qu’ils en deviennent irréels. D’après Séverine Nubel, l’audience ne veut plus de ce digital froid et trop parfait. Selon une étude Orange, on se dirige plutôt vers une détox du digital. L’audience veut du réel, ce qui implique de l’imparfait et de l’erreur. Par conséquent, de l’humain.
L’authenticité du créateur de contenu et ce qu’il exprime est d’une importance capitale.
“Il y a tout un attachement autour des créateurs comme Inoxtag qui embarque à la fois sa communauté et ses marques autours de ses projets”, déclare Raphaël Demnard. Le créateur de contenu Inoxtag créé d’ailleurs certains de ses contenus à l’aide de l’IA. En effet, l’outil lui sert notamment pour reproduire sa voix dans le cadre de son défi d’ascension de l’Everest, son plus gros projet. Il faut voir l’Intelligence Artificielle comme un outil d’aide pour les créateurs humains.
Lorsque l’on demande à Anne Kerdi, influenceuse virtuelle, si le fait qu’elle n’ait pas de sentiment est une faiblesse, elle répond par la négative. Elle affirme que son objectif est d’engager sa communauté et de présenter des informations de manière transparente. Toutefois, elle comprend l’importance des sentiments dans les communications humaines.
Faudra-t-il mentionner lorsque une IA a été utilisée?
Il faudra définir un cadre clair afin que le créateur de contenu soit entièrement honnête avec son audience. La question qui se pose est à partir de quel moment doit-on déclarer l’utilisation de l’IA lors d’une campagne d’influence ? Si l’audio d’une vidéo a été amélioré grâce à l’intelligence artificielle, doit-on le mentionner ? Le même problème s’est présenté avec Photoshop, ce qui a conduit à mentionner lorsque le logiciel est utilisé. L’IA va nous pousser à être davantage transparent.
Le cadre réglementaire est très important, même si c’est le créateur de contenu qui dicte à l’IA quoi faire, l’audience doit savoir si l’IA est intervenue.
On note toutefois de petites avancées dans ce domaine avec TikTok qui applique une mention spéciale lorsqu’un contenu est créé avec l’IA.
L’IA dans le quotidien professionnel
Chez Webedia Creators, l’IA est utilisée dans une démarche de facilitateur notamment avec des marques pour comprendre les briefs. Mid Journey par exemple, est employé pour illustrer un story board et projeter au client ce qui est possible.
Au sein d’Orange, l’IA sert ses utilisateurs de la même manière en ce qui concerne les story boards. C’est un outil qui aide à être plus performant et à mieux gérer la marque. C’est dans ce cadre-là que l’IA est particulièrement intéressante à manier. En effet, elle permet des automatisations qui vont permettre d’assurer un meilleur contrôle de l’image venant du siège vers les filiales internationales.
Ben, le créateur de contenu, utilise lui aussi l’IA dans son workflow journalier. Mid Journey par exemple lui permet de générer des illustrations de ce dont il parle dans ses vidéos. Dans son cas, l’IA permet aussi de déléguer certaines tâches simples et redondantes comme trouver les hashtags d’une vidéo pour les réseaux sociaux.
Ben alerte toutefois sur le risque qui entoure la gestion des données lorsqu’on utilise une IA. ChatGPT et Mid Journey utilisent les données que les utilisateurs transmettent à l’outil pour se renforcer.
Le sujet de la sécurité des données est suivi de près chez Orange. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les employés ont l’interdiction d’entrer des données sur ChatGPT. C’est pourquoi le groupe développe sa propre intelligence artificielle.
Quelle évolution pour le marketing d’influence ?
Aujourd’hui, l’influence virtuelle permet de combler les intérêts des marques et des talents. Quand un créateur de contenu n’est pas disponible, l’IA peut prendre le relais car on lui aura appris à s’exprimer à notre manière. Là où l’IA est perçue comme une menace, elle est en réalité une aide précieuse car elle permet de renforcer les lacunes et de venir en soutien aux créateurs dans leur collaboration avec les marques. Elle permet donc un gain de temps et d’efficacité.
Comment l’IA transforment certains métiers ?
On assiste à une évolution de nombreux métiers créatifs. On va confier à l’IA des tâches bêtes et répétitives, laissant ainsi la place aux humains d’être plus créatifs. Les impacts de cette transformation seront in fine positifs. Cela va simplement forcer les équipes à se transformer et évoluer vers des méthodes de travail différentes. Une transformation opérée dans une optique d’être plus performants et de dégager plus de temps pour la créativité.
En conclusion
L’IA, loin d’être une menace, bouleverse nos codes et nos habitudes. Comme tout nouvel outil, il faut apprendre à le connaître et à l’apprivoiser. L’IA est révolutionnaire et ses compétences font peur mais ne devrait pas être perçu comme un moyen de remplacer l’humain mais plutôt comme un facilitateur, un soutien qui permet d’améliorer le quotidien.